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Nous ne sommes pas seuls, et dans la société qui fait notre expérience quotidienne nos libertés se rencontrent, s’entrechoquent souvent, se heurtent parfois frontalement. Nous avons été blessés par les autres, et nous les avons blessés. Nul ne peut dire qu’il n’a jamais fait de tort à personne ; et nul non plus, sans doute, que personne ne lui en a fait. De ces fautes commises, ou subies, nous pouvons effacer le reproche : le pardon est nécessaire pour éviter que la vie en société ne devienne bientôt un enfer. Mais jusqu’où est-il nécessaire ? Jusqu’où même est-il possible ? La souffrance est parfois irréparable ; quand le mal commis par autrui m’a plongé comme en enfer, ne serait-il pas fou de vouloir encore pardonner ? N’y a-t-il pas des fautes qui resteront irrémissibles, ineffaçables, indépassables ? Peut-on vraiment tout pardonner ?

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Quelle époque nous vivons ! La succession des événements qui se déroule sous nos yeux nous donne le sentiment étrange et un peu vertigineux que nous sommes parvenus à un moment de tournant de notre histoire, de celle de notre société, et peut-être de l’histoire du monde… Mais n’est-ce pas le sentiment qu’ont partagé toutes les générations avant nous ? L’impression que quelque chose est en train de se passer qui va bientôt se dévoiler, que l’histoire, pour tout dire, se dirige vers un but déterminé que nous devrions comprendre, que nous devrions déjà voir, et qu’ainsi nous pourrions prévoir… Mais les choses sont-elles si simples ? Après tout, dans le tumulte du présent comme dans la connaissance du passé, ce qui apparaît est plutôt indéterminé, chaotique, injuste et absurde même… Faut-il lire dans le passé la trace du destin qui s’écrit ? Que se passe-t-il dans ce qui passe ? Sommes-nous conduits quelque part par le fracas des événements, ou totalement abandonnés à une absolue contingence ? L’histoire a-t-elle un sens ?

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Lorsque vient le moment d’obéir, il semble évident que nous ne sommes plus tout à fait libres. Quelle que soit l’autorité qui m’impose son ordre, elle me commande en effet d’abdiquer ma volonté propre pour plier mon comportement au commandement qu’elle me présente. Au nom de quoi, alors, est-il raisonnable de renoncer à sa liberté ? L’obligation est-elle pure contrainte, et l’obéissance pure soumission ? Réfléchir sur l’acte d’obéir, c’est redécouvrir que la reconnaissance de la loi est peut-être d’abord un effet de ma liberté, et même un fondement sur laquelle l’établir.

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