” La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde”.
Nul mieux que Rimbaud n’a rassemblé en quelques mots le sentiment d’une époque. Cette époque, la notre, qui ne cesse de pleurer le désenchantement, la perte ou la fin du monde.
Nous ne sommes pas au monde. Mais où sommes-nous alors ? Connaissez-vous un moyen pour se soustraire du monde, que vous n’empruntiez déjà aux choses de ce monde ? Connaissez-vous un endroit où vous cacher du monde, qui n’appartiens déjà à ce monde ?
Nous sommes dans le monde, mais sommes-nous au monde ? Seriez-vous ici ce soir si vous n’aviez pas parfois le besoin de vous reconnecter aux choses, de vous relier au monde, de vous couper de votre monde le temps d’une soirée, mais pour mieux revenir à lui et le laisser venir à vous ?
Partons ce soir à la quête du monde. Non pas à la conquête du Nouveau Monde, mais à la quête de ce monde, à nouveau.
Sommes-nous au monde ? C’est la question que nous nous poserons ce soir.
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Vous voulez apprendre des choses. J’espère que je serai à la hauteur pour pouvoir les enseigner ! Nous essayons d’apprendre, de connaître la vérité, et cela a été l’objet de nos rencontres précédentes. Mais de ce que nous essayons d’apprendre, le savoir le plus essentiel est celui qui consiste à nous permettre de mieux nous orienter dans cette vie, à nous permettre d’apprendre comment il faut en user, comment nous pouvons nous rapporter au monde qui nous entoure et au vivant qui s’y trouve. Nous pouvons apprendre beaucoup de choses, beaucoup de vérités peut-être, beaucoup de techniques aussi, beaucoup d’arts et d’expériences mais pouvons-nous apprendre ce qu’il y a de plus important. ? Peut-on apprendre à vivre ?
Nous avons passé ensemble une très belle année ! Pouvons-nous en dire autant de chacune de nos existences ? Au long des dernières soirées, des derniers mois, nous aurons peut-être réappris, petit à petit, à nous émerveiller, mais l’émerveillement est-il toujours justifié ? Pour qu’il y ait émerveillement, il faut qu’il y ait de la beauté, il faut qu’il y ait des merveilles. Il peut sembler que dans nos vies, il y a tout sauf du merveilleux, que nous avons chaque jour à faire face aux tracas les plus quotidiens, aux expériences les plus triviales, aux épreuves les plus pénibles. Peut-on dire que la vie est belle ?
Que faisons-nous au juste ici ? Que faites-vous ici ? Ou plus exactement, que faisons-nous dans ce monde qui nous entoure et dont la complexité est prisonnière du sens que nous pouvons lui donner ? Quelle est la nature de ce monde dans lequel nous sommes placés ? Nous n’avons pas choisi de naitre, nous n’avons pas choisi d’être et pourtant nous voilà ici. Quel est le sens de l’univers qui nous entoure, de cet univers potentiellement infini, dont le silence peut nous angoisser parce qu’il ne nous dit rien de lui ? Faut-il lui donner un sens ? Faut-il découvrir son sens ? Ou faut-il reconnaitre enfin que l’univers n’a pas de sens , que rien ne peut s’éclairer de ce silence du monde ? Faut-il d’une certaine manière se résigner à l’absurde ou tenter de percer le mystère ? L’univers a-t-il un sens ?
Quelle époque nous vivons ! La succession des événements qui se déroule sous nos yeux nous donne le sentiment étrange et un peu vertigineux que nous sommes parvenus à un moment de tournant de notre histoire, de celle de notre société, et peut-être de l’histoire du monde… Mais n’est-ce pas le sentiment qu’ont partagé toutes les générations avant nous ? L’impression que quelque chose est en train de se passer qui va bientôt se dévoiler, que l’histoire, pour tout dire, se dirige vers un but déterminé que nous devrions comprendre, que nous devrions déjà voir, et qu’ainsi nous pourrions prévoir… Mais les choses sont-elles si simples ? Après tout, dans le tumulte du présent comme dans la connaissance du passé, ce qui apparaît est plutôt indéterminé, chaotique, injuste et absurde même… Faut-il lire dans le passé la trace du destin qui s’écrit ? Que se passe-t-il dans ce qui passe ? Sommes-nous conduits quelque part par le fracas des événements, ou totalement abandonnés à une absolue contingence ? L’histoire a-t-elle un sens ?
Croire, c’est donner son assentiment sans pouvoir l’appuyer sur une certitude objective. Croire, c’est nécessairement ne pas savoir – ou ne pas savoir encore. La croyance n’est-elle donc pas nécessairement une imprudence ? Et cette impuissance à se fonder sur des preuves ne condamne-t-elle pas celui qui croit à basculer dans le champ obscur de l’irrationnel ? Il n’est pas nécessaire de renoncer à croire au nom du savoir, au nom de la science. Mais il faut alors retrouver le sens d’une croyance qui, sans tout fonder sur la raison, n’est pourtant pas sans raisons.