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En venant dans cette pièce, vous venez de suivre un nombre incalculable de règles. Tout au long de cette soirée, de cette année, de notre vie, nous ne cessons de nous plier à un nombre infini de règles, explicites ou implicites, visibles ou invisibles, qui “policent” notre comportement, qui transforment notre action et qui ne cessent de soumettre notre liberté. N’est-il pas l’heure de se révolter ? Ne faut-il pas réfléchir aux conditions de ce consentement que nous donnons à chaque instant à un ordre qui nous précède ? Ne faut-il pas reprendre un peu de cette indépendance que la société semble vouloir nous saisir ? Pourquoi faut-il obéir ?
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Au nom de quoi donner sa vie ? Question immense et qui pose sans doute de la manière la plus radicale qui soit la grande question éthique, la question morale fondamentale : « au nom de quoi donner sa vie ? » Nous vivons dans une période traversée par une forme d’individualisme. L’individualisme n’est pas nécessairement un égoïsme, l’individualisme est une métaphysique qui regarde le monde comme étant composé d’individus dont chacun poursuit ses propres calculs. Dans cette perspective là, il peut être tout à fait adéquat de donner quelque chose si on espère un retour, de donner quelque chose comme une forme d’investissement, de donner de son temps pour un travail rémunéré, de donner de son argent pour pouvoir espérer se lier d’amitié avec quelqu’un ou bien se faire des obligés. Donner peut être très rationnel du point de vue du simple calcul. Donner n’importe quoi peut permettre d’espérer un retour quel qu’il soit. Mais donner sa vie, c’est à dire donner d’une certaine manière tout ce que l’on a, tout ce que l’on est, c’est bien le choix le plus radical qu’on puisse imaginer. Au nom de quoi pourrait-on bien imaginer donner sa vie, sans que cet acte de donner sa vie ne soit assimilable à une sorte de folie ? Au nom de quoi donner sa vie ?
Est-ce une révolte ? Cela semble bien être une révolution. Les gilets jaunes ont mis Paris en ébullition et la France entière s’inquiète : que va-t-il se passer maintenant ? Vous êtes venus ce soir si nombreux, avec ou sans gilet jaune, pour réfléchir à une question : pouvons-nous vraiment espérer qu’un jour la loi soit juste ? Pouvons-nous espérer un état qui administre la justice ? Faut-il croire à cet idéal ou faut-il renoncer à une utopie ? Faut-il espérer construire ensemble un monde où la loi donne à chacun vraiment ce qui lui revient ? Cette question fondamentale se trouve être d’actualité. Mais elle est d’une actualité de toujours, car elle rejoint le problème essentiel de la politique : faut-il attendre du droit qu’il soit juste ?
La vie pourrait-elle avoir un autre but que la recherche du bonheur ? A première vue, voilà qui semble absurde. Chacun de nos désirs, le moindre de nos actes, tout dans notre existence est, par définition, et bien que nous n’en ayons pas toujours conscience, dirigé vers ce but qu’est notre accomplissement personnel – notre bonheur. Et pourtant, ce but exclusif n’est-il pas le signe d’un égoïsme réducteur, ou une illusion destructrice ?
Lorsque vient le moment d’obéir, il semble évident que nous ne sommes plus tout à fait libres. Quelle que soit l’autorité qui m’impose son ordre, elle me commande en effet d’abdiquer ma volonté propre pour plier mon comportement au commandement qu’elle me présente. Au nom de quoi, alors, est-il raisonnable de renoncer à sa liberté ? L’obligation est-elle pure contrainte, et l’obéissance pure soumission ? Réfléchir sur l’acte d’obéir, c’est redécouvrir que la reconnaissance de la loi est peut-être d’abord un effet de ma liberté, et même un fondement sur laquelle l’établir. Lire la suite