Voulons-nous vraiment vivre ensemble ? Et la vraie question est “en avons-nous réellement le choix ?” Avez-vous vraiment choisi de vivre en société, de vivre avec les autres, et qui plus est avec ces autres là que vous n’avez pas voulus peut-être, ces autres qui vous pèsent, qui vous peinent, qui vous ennuient, qui vous fatiguent ? Bref, la vie en société ressemble souvent à une épuisante malédiction. Et pourtant il nous faut bien faire avec. Nous sommes tous ensemble ce soir pour réfléchir à la difficulté qui consiste à être ensemble. Vivre ensemble est devenu le slogan, le mantra, le leitmotiv du monde dans lequel nous vivons et, comme souvent, derrière tous les mantras, et les slogans bien trop répétés se joue un symptôme, le symptôme de la difficulté que nous avons à regarder la société autrement que comme cette espèce de malédiction pénible. Qu’est ce qui peut bien faire notre lien ? Qu’est ce qui peut reconstituer le lien qui nous rattache aux autres de telle sorte que le vivre ensemble ne soit pas seulement absence d’insécurité mais quelque chose d’autre, quelque chose de plus créateur, quelque chose de plus grand, de plus vrai, de plus substantiel qui nous relie les uns aux autres ? Voulons-nous vraiment vivre ensemble et si oui au nom de quoi ? Qu’est ce qui peut sauver le vivre ensemble dans le monde ou nous vivons?
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Au gré des contingences politiques, des alternances électorales, des situations historiques, l’Etat change de cap, de règles et de motifs. Et pourtant demeure, comme une propriété essentielle, la réalité du pouvoir : l’Etat dispose de la puissance publique, il est la puissance publique. Voilà qui devrait nous inquiéter : cette puissance qui passe de mains en mains, qui peut la contrôler ? Est-elle limitée, arrêtée, bridée ? Y a-t-il des règles qui s’imposent à elle, et qu’elle ne puisse jamais dépasser ? Il semble que ce soit nécessaire ; mais il semble aussi, malheureusement, que ce soit pourtant impossible. Car si l’Etat est le pouvoir, qui est au-dessus du pouvoir ? Ce qui est en jeu ici, c’est la nature même du pouvoir, l’origine de la puissance publique. L’Etat semble n’obéir à personne ; alors, l’Etat peut-il tout ?
La grande scène du monde politique semble être le lieu continuel du spectacle de tous les vices : fraude, mensonge, cupidité, vol, escroquerie, rivalité, luxure, égoïsme, mégalomanie, trahisons, il n’est que peu de défauts qui ne trouvent à s’illustrer dans la rubrique politique de nos actualités. Et quoi de plus ancien que cette actualité-là… Depuis que la politique est connue, le pouvoir semble toucher à ce qu’il y a parfois de plus noir dans l’homme, de plus bas, de plus médiocre. La politique devrait-elle être morale ? Mais qui a trouvé cette étrange question ? La politique peut-elle être autre chose qu’immorale ? Si l’on se contente d’observer, il ne faut même plus s’indigner – seulement se résigner à ce que le gouvernant ait sa propre logique, indépendante des exigences pures et idéales de l’éthique. Et pourtant, quel sens a la politique si elle ne sert pas un bien ? Et pourquoi faudrait-il s’obliger à obéir à des lois si elles n’ont aucun sens qui puisse rejoindre la quête de notre conscience ? Refusons de nous laisser faire, refusons d’être cyniques et de renoncer au sens même de la politique… Il faut affronter la question, au-delà de toutes les évidences apparentes : la politique peut-elle être morale ?
Il semble bien que l’Etat se définisse comme l’institution à qui, par principe, tout est permis, puisqu’il lui revient de dire le droit. S’engager dans un conflit, prélever le bien privé, user de la menace et de la coercition : tout ce qui est interdit aux particuliers, l’Etat revendique la possibilité de s’y livrer en toute légitimité. Cela signifie-t-il que les citoyens que nous sommes aient le devoir de lui obéir en tout ? Quel pourrait être le critère d’une désobéissance légitime au pouvoir politique ? Existe-t-il une autre loi que la loi de l’Etat ? Lire la suite
Lorsque vient le moment d’obéir, il semble évident que nous ne sommes plus tout à fait libres. Quelle que soit l’autorité qui m’impose son ordre, elle me commande en effet d’abdiquer ma volonté propre pour plier mon comportement au commandement qu’elle me présente. Au nom de quoi, alors, est-il raisonnable de renoncer à sa liberté ? L’obligation est-elle pure contrainte, et l’obéissance pure soumission ? Réfléchir sur l’acte d’obéir, c’est redécouvrir que la reconnaissance de la loi est peut-être d’abord un effet de ma liberté, et même un fondement sur laquelle l’établir. Lire la suite