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Que sont devenues nos histoires ? Ce qui s’est passé avant l’instant présent semble avoir disparu pour toujours de l’horizon de nos vies et pourtant, est-ce vraiment la même chose que d’avoir été et de n’être rien ? Est-ce vraiment la même chose que d’avoir existé un jour et d’avoir disparu pour toujours que de n’avoir jamais été ? Cette histoire, cette mémoire, ces traces de nos existences passées : comment pourrions-nous les retrouver, comment chercher la piste, le lieu où se trouve tout ce qui s’est déposé de nos vies jusque dans cet aujourd’hui que nous partageons maintenant ? Où est passé le passé ?
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C’est le début d’une nouvelle année… Elle sera pleine d’aventures, de surprises, d’inconnu, mais elle sera aussi pleine de moments de monotonie, de répétitions, de lassitude, d’ennui. Faut-il se révolter lorsque l’ennui vient nous toucher ? Est-ce là un accident de l’existence ou est-ce la condition de l’existence ? Est-ce une sorte de réveil obligé qui nous dit qu’il faut sortir d’une torpeur dans laquelle la vie nous conduit à nous enliser, ou faut-il reconnaitre que la condition humaine est marquée par la banalité, la trivialité, la répétition, par tout ce qui ennuie et ne peut qu’ennuyer ? Faut-il se résigner ? Faut-il accepter de s’ennuyer ?
Vous êtes ici peut-être avec l’espoir de trouver quelque chose de changé. Depuis que nous nous sommes quittés à la fin de l’année dernière, vous aussi avez changé, vous êtes nouveaux. Et pourtant, vous êtes aussi les mêmes ! Nous espérons tous changer, nous espérons la rupture qui nous permettrait de voir le monde enfin s’améliorer et qui nous permettrait de progresser nous aussi. Y a-t-il quoi que ce soit qui change dans ce monde ? Est-il possible de trouver quelque chose qui ne soit pas le même que ce que nous n’avons cesser de croiser ? Y a-t-il quelque chose de nouveau ?
Que gagne-t-on à perdre son temps ? Le temps est sans doute l’un des biens les plus précieux que nous puissions posséder. Et pourtant nous ne le possédons jamais tant que nous puissions être certains de ne le perdre jamais. Que gagne-t-on à disposer de ce temps qui est devant nous, de ce temps que nous possédons et que nous dépensons nécessairement puisque de toutes façons il court ? Que gagne-t-on à vivre d’un temps qui soit totalement maitrisé ou au contraire à relâcher dans notre temps des actions de notre présent ? Faut-il tenter de tout contrôler du temps qui passe sans nous ? Ou faut-il au contraire le garder pour soi ? Que gagne-t-on à perdre son temps ?
Qui sommes-nous en réalité ? Qui êtes-vous ? Êtes-vous vraiment les mêmes que ceux que nous avons rencontrés il y a quinze jours de cela dans cette même salle, dans ce même lieu ? Ou bien n’avez-vous pas changé ? Qu’est ce qui fait notre identité ? Qu’est ce qui nous permet de définir ce que nous sommes individuellement et collectivement ? Bien sûr il semble que la mémoire soit nécessaire à notre identité personnelle, bien sûr il semble que pour nous définir nous ayons besoin de nous souvenir. Et pourtant la mémoire ne nous empêche-t-elle pas d’évoluer, de changer, de nous renouveler ? Ne nous empêche-t-elle pas de devenir petit à petit autre que celui nous étions ? Ne nous prive-t-elle pas de notre liberté ? Faut-il avoir des souvenirs pour savoir qui nous sommes et qui nous devons rester ? Faut-il au contraire se défaire de la mémoire pour s’ouvrir à de nouvelles potentialités ? La mémoire nous dit-elle qui nous sommes ?
Tout ce qui est autour de nous semble devoir disparaitre. Tout apparait et tout passe, tout change sans cesse. Nous sommes confrontés dans notre recherche de la vérité à ce flux permanent de la réalité, à tout ce qui ne cesse de bouger autour de nous. Et tout ce qui bouge autour de nous semble nous dire que notre regard sur le monde est condamné à l’illusion. Faut-il croire que quelque chose tient ? Faut-il tenir à quelque chose auquel nous pourrons tenir ? Faut-il au contraire renoncer et épouser le flux des choses ? Est-ce que tout passe ?
Comment vivre, comment rêver, comment désirer, comment choisir, dans un monde où il faut mourir ? Nous sommes là ce soir, bien vivants, animés de la force de vie qui nous traverse et nous emmène vers nos projets d’avenir… Mais tout cela n’est-il pas vain ? Malgré toutes nos prouesses, nos réussites, nos succès, malgré tous nos espoirs aussi et ce qui reste et restera inachevé dans nos vies, un jour il faudra partir : voilà la grande limite qui se dresse, et qui semble inébranlable. Révoltante, mais inébranlable. Est-il possible d’espérer la dépasser, s’en abstraire, ou tout simplement la fuir ? Faut-il entretenir l’espoir de vaincre un jour cette ultime frontière ? Peut-on s’affranchir de la mort ?
Vivre au présent : voilà bien le projet le plus simple, le plus évident, le plus nécessaire et le plus difficile à la fois… Le plus nécessaire, parce qu’il serait fou de fuir le seul temps qui nous est donné. Mais le plus difficile aussi : parce que penser, être conscient, c’est ne jamais être totalement dans ce que l’on fait : c’est être toujours ici, avec mon corps, et ailleurs, par la pensée. Ailleurs : hier, ou demain, dans un passé qu’on regrette ou dans un avenir qu’on projette… La technologie contemporaine diffracte encore notre attention : vous êtes ici, avec nous. Et peut-être ailleurs, parlant en ce moment à un ami du bout du monde, ou vivant au rythme d’une préoccupation lointaine… Avons-nous la moindre chance d’être pleinement, totalement présent au moment que nous vivons ? Sommes-nous capables de vivre l’ici et le maintenant ? L’instant le plus proche n’est il pas en même temps le plus lointain, et presque inaccessible ? Peut-on vraiment vivre le temps présent ?
Nos vies ressemblent bien souvent, comme l’écrivait Hobbes, à une course sans fin – une course contre le temps, contre la montre, et même contre la vie… De cette course, nous avons le sentiment de ne pas pouvoir maîtriser le rythme, ce temps qui nous échappe sans cesse. Comment comprendre le temps, ce mystère si proche et si lointain, cet inconnu qui fait le dynamisme et la fragilité de notre quotidien ? Peut-on remettre la main sur ce flux qui rend tout présent insaisissable ? Peut-on maîtriser le temps ?